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Not gonna miss the mess #India

Après presque 3 années à sillonner les routes et montagnes de France et d’Europe, une soudaine envie d’aventures lointaines m’a rattrapée au printemps 2023. J’avais besoin de dépaysement, de lointain et de repartir en backpack solo pour me challenger. Depuis quelque temps et après en avoir discuté avec certains proches qui y ont été, j’ai senti que l’Inde m’appelait.

La première impression que j’ai eue et qui a rythmée mes journées pendant tout le mois de voyage, ce sont les interpellations constantes. D’abord les regards insistants, les “pssst”, les “hey oh”, les “yes madame tuktuk?”. En tant que femme blanche en pantalon et t-shirt au milieu de la foule, difficile de passer inaperçue… Beaucoup de familles n’hésitaient pas à m’interpeller également pour poser sur leurs photos. Après quelques agacements liés à ces nombreuses demandes de « selfie click pic », j’ai fini par me prendre quelquefois au jeu et demander des photos avec mon téléphone aussi. 

Cette expérience a le mérite de m’avoir permis de travailler mon assurance car il a fallu que je me défende et que je négocie fermement, chose qui n’est absolument ni innée ni acquise chez moi. Et si vous vous demandez encore comment j’ai fait pour m’habituer à tout ça… Eh bien comme pendant tous les voyages, j’ai activé le mood « trust the process ».

Il y a autre chose qui m’a très vite frappé, dès mon arrivée à Delhi : la rue est occupée -je dirai à 80%- par les hommes… et ça n’a pas facilité mon bien-être. C’est encore difficile à expliquer car je ne me suis pas sentie concrètement en insécurité mais les regards (parfois lubriques) ont eu raison de ma patience. Je ne suis jamais sortie seule un seul soir. Ja-mais. C’est une sensation oppressante que je n’avais jamais connue et qui m’a fait légèrement relativiser quant aux droits et libertés des femmes sur le vieux continent.

Comme vous le savez certainement que vous me côtoyiez dans le monde réel ou virtuel : je suis très engagée dans la lutte pour la réduction des déchets, notamment auprès de l’association Cleanwalker

L’Inde est connue pour ses décharges à ciel ouvert ; ça je m’y attendais… Ce qui a été le plus difficile, c’est de voir les gens jeter leurs déchets par terre devant moi. Ce geste réflexe que nous avons presque totalement perdu en occident (sauf pour les mégots de cigarettes…) est pourtant complètement normalisé en Inde et cela -je dois dire- toutes classes sociales confondues.

Cela doit faire au moins 7 ans que je n’avais pas acheté de bouteille en plastique et il a bien fallu que je me fasse à l’idée d’en consommer pour éviter à tout prix de tomber malade car l’eau courante est impropre à la consommation… J’ai donc donné beaucoup trop d’argent à des marques comme Coca Cola et PepsiCo en achetant au moins 2 bouteilles d’eau minérale par jour, chose complètement contraire à mes valeurs. 

Pour parler également de l’empreinte carbone de mon voyage, j’ai effectivement repris l’avion pour la première fois depuis 4 ans. Ça a été une étape psychologique difficile à franchir. Pour compenser ce mal, je m’étais donnée pour mission de ne prendre que des trains, bus, et transports en communs une fois arrivée dans le pays : mission accomplie! J’ai pu voyager en train-couchette de nuit pour traverser le pays en 24h de temps et j’ai adoré l’expérience. C’était par ailleurs une parenthèse de calme appréciable dans le tumulte des villes indiennes.

Aller à l’encontre de mes valeurs écologiques a été souvent difficile à accepter mais m’a redonné la motivation pour me réinvestir dans mon association à mon retour en France.

Ce qui m’a aussi beaucoup perturbé c’est de me retrouver pour la première fois de ma vie dans une position de “riche parmi les pauvres”. Je n’ai cessé de dire que je me sentais comme une princesse à prendre des taxis plusieurs fois par jour pour me déplacer, à manger au restaurant tous les jours, et à dépenser littéralement sans compter. J’ai ressenti un énorme malaise intérieur au bout de 2 semaines pour cette raison. J’en ai presque culpabilisé, et j’ai réalisé que je n’étais pas loin du “tourisme-voyeurisme”.

Toute cette opulence m’a carrément entraînée dans un blocage créatif. C’est la première fois que -durant un voyage- je n’ai ressenti absolument aucune énergie créative. Habituellement le voyage (et la randonnée entre autres) ont ce double-pouvoir : à la fois : me vider l’esprit et voir émerger plein de nouvelles idées. Là, c’était le néant, blank, quasiment jusqu’à la fin du séjour. A vrai dire… jusqu’à ce que je partage ce ressenti à mes co-stagiaires de yoga qui m’ont évoqué la même chose avec grande surprise.

Enfin j’ai terminé mon voyage par un semblant de pèlerinage, dans la capitale mondiale du yoga où je n’avais pas du tout prévu de passer initialement : Rishikesh. J’avais une certaine appréhension quant au côté business que le yoga représente désormais au niveau mondial. Pour les indiens, c’est forcément devenu une manne financière que de voir tou(te)s les occidentaux/tales débarquer pour valider leur “200hrs TTC” (Teacher Training Course). 

Le yoga, c’est en partie ce qui m’a sauvé la vie en 2020 lorsque j’étais noyée dans une dépression sévère. En pratiquant régulièrement et très sérieusement, j’en ai tiré un nouvel équilibre physique et mental. 

J’avais besoin de retrouver le calme et de me retrouver après 3 semaines dans le chaos, la ville de Rishikesh offrait la parenthèse parfaite pour cela et dégageait une énergie et des good vibes dingues. La retraite de yoga&méditation a été une véritable thérapie pour finir le voyage sur de bonnes notes.

C’est finalement mes proches qui m’ont demandée si j’étais déçue de mon voyage qui m’ont fait réfléchir un peu plus à mon vécu et aboutir à cet article. 

Alors je dirai que je suis frustrée

J’ai vécu ce voyage très en surface. Je n’étais pas vraiment dedans car je me sentais constamment dépassée par le bruit, le monde, la chaleur, et les interpellations. J’ai quitté le pays avec le regret de n’avoir pas su entrer en contact davantage avec les locaux, comme souvent lors des mes voyages.

Frustrée aussi de n’avoir pas ressenti ce qu’on m’avait vendu : toutes les personnes ayant voyagé en Inde m’ont dit “tu vas adorer ou tu vas détester”. Et je dois avouer que je me sens encore hyper mal de me dire que je n’ai ni adoré ni détesté, je suis neutre.

Un mois après mon retour, je suis encore incapable de tirer un bilan de ce que ce voyage m’a apporté, mais je sais par expérience qu’on met des mois et parfois des années pour cela.

Une chose est sûre, au-delà de la frustration, je ne regrette pas pour autant cette aventure et j’en garde aussi de bons souvenirs!

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