
Et soudain le néant
Parait que Mercure rétrograde en Capricorne en ce moment : ça sonne le temps de l’introspection, et c’est le moment parfait pour finaliser et publier cet article dont j’ai démarré l’écriture il y a 1 an.
Trigger warning / avertissement : dépression, suicide.
Il y a trois ans, je remettais les pieds en France après une année incroyable en Nouvelle Zélande. Il m’a fallu 3 mois pour atterrir comme j’en parlais dans un précédent article. Et soudain le néant. Le shutdown. Et pour ne rien arranger, dans la foulée, le premier confinement. La descente aux enfers a été très rapide. J’ai perdu mes rêves, j’ai perdu foi en l’humanité, en mon pays et en la vie. Je me suis perdue, et j’ai voulu en finir avec la vie. Je n’avais jamais connu une telle violence psychique dans mes dépressions précédentes. Je n’avais jamais été aussi mal, aussi maigre, aussi bas, aussi longtemps. La douleur était insoutenable. Mon existence-même ne m’était plus supportable. J’ai eu envie de crever, tellement fort, tellement de fois et pour la première fois. C’est le genre de choses dont on ne parle pas. Quand on est privilégié, quand on a un toit, on pense qu’on n’a pas l’droit.
Et soudain le printemps 2021, c’est la première fois que je me suis sentie à nouveau vivante après cette énième putain de dépression qui m’a écrasé la gueule. La maladie qui m’a laissé crever sur le bord de la route, mes membres tétanisés, cette fameuse fois où prise d’une crise d’angoisse sur la voie rapide deux gendarmes sont venus me ramasser. Il aura fallu deux ans, deux thérapeutes extraordinaires, deux passages aux urgences psychiatriques, deux jobs, deux apparts, deux ghosting, deux confinements, deux voyages avortés, des tas d’auto-diag sous-couverts d’errance médicale et deux mots : dépression sévère. Il semblerait donc que j’ai souffert successivement et/ou simultanément d’anxiété sociale, d’agoraphobie, du syndrome de la cabane, de dépendance affective, d’un trouble panique, de tétanie, de dyshidrose, de dépersonnalisation, de déréalisation, de pensées suicidaires, de phases borderline, d’hyperphagie, d’anhédonie, et autres comorbidités dépressives. Un sacré bordel dans ma tête et dans mon corps.
Il aura fallu du temps, et de la patience pour retrouver un pseudo-équilibre, pour me retrouver. Accepter d’être décalée, encore plus que je ne l’ai toujours été. Maîtriser l’hypersensibilité. Entamer des démarches pour confirmer les diagnostics HPI* et un pseudo-TDA/H*. S’entendre dire que j’ai un TAG*. Me réinventer. Réapprendre à vivre seule avec moi-même et me reposer énormément. Reconstruire un semblant de vie sociale. Redécouvrir des passions-échappatoires. Soudain, les pensées noires ont laissé place à des idées plus claires. A ce moment-là un chemin se dessine ou du moins s’imagine. Novembre 2021, deux ans après avoir remis les pieds en France ; enfin un semblant de renaissance.
J’ai cette sensation que ces deux ans m’ont fragilisée à tout jamais et même si j’oscille encore entre phases hyperactives et ce que j’appelle “des crashs” aujourd’hui ça va, vraiment. Il y a 2 mois, je faisais mes cartons pour quitter Strasbourg, ma ville de toujours. Et puis 2 jours avant de partir j’ai consulté ma thérapeute Emilie pour lui parler de ma plus grande peur actuelle : celle d’être rattrapée par ce vieux démon qui me hante, de replonger dans le gouffre et d’être engloutie à nouveau par des angoisses et des pensées suicidaires.
Je crois que quand on a connu la dépression sévère, on reste marqué à vie. J’ai cette sensation d’avoir été marquée au fer chaud quelque part à l’intérieur de moi, et que cette brûlure peut se raviver à tout moment. Je disais à mes thérapeutes que j’avais comme une “alarme latente” toujours en veille qui menace de se réactiver à chaque travers.
En septembre dernier, une collègue vendangeuse avec qui j’ai fort sympathisé m’a confié avoir connu une dépression similaire et de souffrir également de ce syndrome “post-traumatique”. C’est la première fois que je me suis sentie comprise vraiment. J’avais face à moi un miroir, quelqu’un qui décrivait les mêmes symptômes que moi. Je ne suis donc pas folle, il y a d’autres personnes qui vivent cela. C’est réel. C’est légitime. Il y a quelques jours, alors que le front de neige et notre bureau se sont vus désertés en plein coeur de la tempête, c’est une nouvelle collègue qui m’a confié le même vécu. Je lui ai parlé de cet article que j’ai écris avec mes tripes pour me libérer et que je pensais ne jamais publier car trop violent. Et c’est là qu’elle m’a rappelé ce que nombre d’entre vous m’ont déjà dit : ça pourrait aider des personnes qui vivent des expériences similaires.
Il y a quelques temps encore un autre de mes collègues m’a dit : “Toi tu peux pas vivre sans exposer ta vie sur Instagram en fait”. Bah oui, en fait. J’aime écrire, j’aime partager mon vécu. L’écriture c’est ce qui me sauve, depuis toujours. Alors oui, c’est très difficile pour moi de poser ça ici, mais je le fais aujourd’hui dans l’espoir de soulager certaines consciences, d’éveiller certains esprits qui auraient cotoyé cette maladie et se sont retrouvés démunis. Je terminerai sur cette citation qui m’accompagne en ce moment comme un mantra “N’aie plus jamais peur de demander de l’aide, il y a des gens qui t’aiment autour de toi.”
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* Traduction des mots bizarres :
HPI : Haut Potentiel Intellectuel
TDA/H : Trouble de l’Attention / avec Hyperactivité
TAG : Trouble Anxieux Généralisé

